[No more heroes]: Le labyrinthe des Barrens

Au dessus de leur têtes, il y avait un ciel nocturne, immense, mais sans étoiles car les lumières artificiels de la métroplexe étaient trop omniprésente et puissante. Un léger vent apportait de temps en temps les odeurs caractéristiques de la déchéance humaine, la pollution, l’essence, les détritus, l’odeur des hommes et de la pourriture. L’air était rempli de ce bruit régulier des pneus roulant sur le béton, ce bruit ne s’arrêtait jamais. Eugène jeta un bref coup d’œil derrière lui, la jeune femme le suivait mais semblait toujours aussi perdu. Il ralentie le pas et lorsqu’elle arriva à sa hauteur, il lui prit la main et l’obligea à marcher plus vite. Il ne savait pas si c’était les évènements qui était arrivé plus tôt qui avait plongé la femme dans se mutisme et cette confusion, mais il aurait préféré avoir à protéger une personne lucide. Il faut dire que pour une jolie femme comme elle, qui semblait avoir vécue toute sa vie dans le bonheur et l’amour, le petit massacre qu’il avait fait pouvait bien choquer. Il n’était même pas sur de s’en sortir. Un contre trois, il avait bien beau avoir divers atout dans sa manche… Il en était sortie avec une belle estafilade sur la bouche aussi, il pouvait encore goûter le sang qui coulait de sa lèvre à sa bouche.

Il avait foncé tête baissé sur le premier mec, un grand rouquin plutôt frêle. Il l’avait relevé d’un coup de poing sous le menton, se fendant les jointures sur les os de la mâchoire de son ennemi. Il avait aussitôt plongé la lame de son couteau dans le bas-ventre du second. Et prenant ses jambes à son coup lorsqu’il avait vue le dernier sortir un pistolet, il avait tenté de fuir dans les ruelles en tirant la jeune femme par la main. Elle se laissait déjà trainer comme une poupée de chiffon sans vie. Mais l’autre les avait finalement rattrapé, il lui avait lancé une balle d’énergie magique qui avait littéralement fait exploser la tête du futur cadavre.

Tout en tirant la jeune femme par la main pour la forcer à suivre son rythme de marche, il la regarda dans les yeux. Ses derniers brillaient d’intelligence, elle n’était alors certainement pas folle, et se petit sourire en coin montrait bien qu’elle n’était pas traumatisé. Enfin, ca pouvait tout aussi bien prouver le contraire à bien y penser. Il chassa ces réflexions inutiles de sa tête et s’engagea dans une autre ruelle. Décidément, les Barrens, c’était un ramassis de ruelle mal famé et puante. Il risquait d’y croiser des rats, il n’aimait pas ca. Surtout que les rats qu’il craignait était gros, laid, mordait sans avertissement et pouvait se lever sur deux pattes comme lui pour aller s’acheter le dernier journal. Il s’arrêta finalement à un carrefour, ne sachant pas trop par où aller. Il était fatigué, il avait faim, au point de se demander s’il ne pourrait pas prendre un petit morceau de fessier de sa protéger et il en avait marre. Les missions solos, ce n’était décidément pas son truc. Non seulement était-il un parfait incompétent pour confectionner des plans efficaces, mais en plus il était profondément indécis et dangereusement trop curieux.

- Ça va?

Finit-il par dire à l’inconnue qu’il trainait dans les Barrens depuis maintenant 5 heures de temps. Il lui essuya le sang sur une de ses joues du revers de sa main droite et s’alluma une cigarette avec l’autre. Il lui tendit le paquet. Elle fit une moue de dégoût et détourna son regard vers la ruelle qu’il venait de quitter.

- Où est ce que vous m’amenez?

Se décida-t-elle enfin à demander. Sa voix était toute petite, pratiquement étouffé par la peur qui lui nouait les entrailles. Elle reprit la main de l’inconnu qui lui avait sauvé la vie, comme si cela pouvait lui donner un peu de son courage, mais remarqua que celui-ci frémissait. Ses mains avaient de léger spasme, mut par la même peur qu’elle ressentait. Sa vie était donc entre les mains d’un homme qui avait aussi peur qu’elle? Devait-elle s’en inquiéter? Certainement. Et c’est la raison qui la poussa à courir sans crier garde. Espérant trouver une cachette, fuir, se libérer de se cauchemar. Elle en avait vue d’avantage pendant cette journée que pendant toute sa vie.

Elle n’avait jamais vue de magie, et elle aurait préférer n’en avoir jamais vue. Le sort « d’agonie », comme il l’avait appelé, qu’il avait lancé sur les hommes qui la tenait prisonnière, avait été la chose la plus horrible qu’elle est vue, mais surtout ressentie, de toute sa vie. Il n’avait pas pu l’épargner, s’était-il excuser bêtement, elle avait souffert mais maintenant elle était en sécurité, loin de ses bourreaux. Mais c’était lui le bourreau! Les gens qui l’avait enlevé ne lui avait jamais fait mal, ni même brusquer. Alors que son sauveur lui avait fait ressentir les plus terribles souffrances, sous prétextes que cela lui avait permis de la libéré de gens cruel et foncièrement mauvais. Ensuite, elle l’avait vue faire éclater la tête d’un homme. Comment pouvait-il avoir peur avec de tel pouvoir? Pour une jeune femme comme elle, n’ayant jamais connu les méandres et les habitants du sixième monde, tous ces mystères étaient effrayants. Bien sur, elle se doutait que les hommes qui l’avaient enlevé ne lui voulaient pas lui chanter une balade et la rendre heureuse, mais tous ces évènements la rendaient confuse. Elle ne pu continuer ses réflexions car déjà une main agrippait son bras, le serrant violement et l’obligeant finalement à arrêter de courir. Elle se laissa tomber au sol, peut importe la saleté, elle avait seulement envie de pleurer. Pleurer comme une petite gamine qui a peur du noir ou des monstres sous son lit. Pleurer comme une enfant qui veut désespérément un jouait dans un magasin grande surface. Pleurer comme un bébé qui viens de naître et qui ne se doute pas des souffrances qui l’attend.

Eugène entoura la jeune femme de ses bras tout en regardant autour d’eux. Elle pouvait bien pleurer, elle le méritait, et il aurait aimé la consoler, mais ce n’était vraiment pas le moment. Il l’aida à se relever et pour aider un peu les choses, il utilisa un sort pour influencer la femme à l’aimer et lui faire confiance. Cette dernière en ressentie aussitôt les effets et se blotti dans les bras d’Eugène pour en chercher une certaine sécurité. Et le mal de tête arriva.

- Eh merde!

Grogna-t-il. Il était décidément beaucoup plus fatigué qu’il ne le croyait. Il se frotta le haut du nez, entre les yeux, et ferma ceux-ci un moment. Tentant désespérément de reprendre le contrôle sur ce corps épuisé par la magie. Il réfléchit un moment aux possibilités qui s’offrait à lui puis renonça à élaborer un plan. Ils devaient quitter les Barrens et Redmond, c’était le seul objectif pour le moment. Et il devait les quitter avant que leur tête saute de leur cou.

Nahema se laissa guider par Eugène, retombant dans son état de mutisme et de rêverie. Ils passaient de ruelle en ruelle, franchissant quelques rues et évitant habilement la circulation.

- Pour qui travaillez vous? Qu’est ce que vous me voulez?

Osa-t-elle enfin demander. Eugène resta silencieux un bon moment. Ils s’arrêtèrent à l’entré d’une ruelle.

Eugène toussa et se frotta les mains ensemble.

- Je suis payé pour vous protégez.

Il n’en dit pas plus, et il n’en voyait pas l’utilité de toute façon. Il se rappelait parfaitement de la rencontre. L’elfe qui lui expliquait le travail dégageait anormalement trop de phéromones. Et pour le pauvre corbeau, c’était insoutenable. Il devait lutter pour ne pas laisser son instinct d’animal prendre le dessus sur sa raison et carrément sauter dans l’entrejambe de l’elfe. Cette dernière semblait le savoir et s’en amuser. Quelle torture. Il en avait encore la tête qui tournait juste à y penser. Il invita la jeune femme à continuer de marcher alors qu'il repensait à la rencontre.

L’elfe s’était présenté, elle s’appelait Augure, et elle était l’intermédiaire pour l’homme qui l’employait, un certain Dies Irae. Se penchant par en avant pour ramasser un bout de papier, dévoilant ainsi sa généreuse poitrine, elle l’avait averti de ne pas oublier se nom. Eugène ne savait pas trop si c’était son nom ou celui de l’employeur qu’il ne devait pas oublier, mais de toute façon il était impossible de ne pas retenir un seul des mots qui sortaient de la bouche pulpeuse de l’elfe. Subjugué par sa beauté, les phéromones agissant affreusement bien sur l’animal qu’il est, il se rappelait avoir été près à vendre son âme pour un seul regard d’Augure.

Maintenant qu’elle n’était plus près de lui, et que son odeur n’agissait plus sur son sens olfactif, il se trouvait idiot d’avoir accepté ce travail. Mais le mal était fait, peut importait maintenant les remords, il n’avait personne à blâmer sauf sa propre faiblesse et il devait se sortir de se guêpier.

À qui pouvait-il demander de l’aide? Chacal? Il n’avait aucune idée où pouvait se trouver son ancien frère d’arme. Goldmos? Ce dernier l’avait déjà assez aidé, il ne pouvait pas aller se réfugier sous le toit du puissant mage à chaque fois qu’il se foutait dans la merde.

Augure lui avait bien donné un numéro de téléphone. Une certaine Oxide Viola pouvait l’aider à créer de faux papier d’identification pour sa protégée s’il le fallait, mais avait-elle reçue l’ordre de l’aider à se cacher? Il en doutait. Remarquant que la jeune femme qu’il tenait encore par la main haletait et semblait épuisé, il s’arrêta. Elle se laissa immédiatement tomber sur le sol et aspira l’air pollué du district à grande goulée.

- Qu’elle est votre nom, ma chère?

Surprise par cette question, elle dévisagea Eugène. Ils ne s’étaient pratiquement pas adressé la parole depuis qu’il l’avait "secouru". Elle baissa les yeux.

- Nahema. Qui le demande?

Tout heureux de pouvoir mettre un nom sur le joli minois de la jeune femme, Eugène se fendit d’une révérence gracieuse.

- Eugène Delacroix, pour vous servir.

Nahema étudia l’homme un instant.

- Vous êtes français? Delacroix, c’est français, n’est ce pas? Et vous avez un drôle d’accent.

Eugène se passa une main dans les cheveux.

- Vous êtes très perspicace, jeune dame. Je suis en effet née en France et veuillez accepter mes plus sincère excuse si je vous ai brusqué plus qu’un gentleman peut se le permettre. Mais voyez-vous, nos vies étaient en danger… Après un bref silence, il continua, et elles le sont encore, pour être franc. Alors j’apprécierais que vous puisiez dans vos dernières forces pour me suivre rapidement sans poser de question. La prochaine fois où nous nous arrêterons, je compte bien que ce soit dans un endroit sécuritaire et qui sent moins mauvais.

Déconcerté par autant de galanterie, Nahema se leva et épousseta son pantalon maculé de sang et de poussière. Puis elle tendit la main vers Eugène, son sauveur, son héros, l’homme le plus merveilleux et courageux qu’elle ait rencontré.

- Je vous déteste! Vous êtes un monstre!

Cria-t-elle alors qu’Eugène se relevait, poussant le cadavre du bandit qu’il venait de trucider. Voulant la jouer rapide et efficace, il n’avait pas perdu de temps en réfléchissant et avait balancé une de ses boules d’énergies au visage de l’ork qui tenait une arme à feu. La migraine qui s’en suivit l’avait forcé à lâcher sa concentration sur le sort de contrôle d’émotion qu’il avait lancé à Nahema. Cette dernière avait soudainement senti sa rage et sa peur l’envahir de nouveau. Peut-être la réaction de la belle aurait-elle été moins brutal s’il n’avait pas prit quelques bouchers de l’ork au passage, mais il mourrait de faim. Il était même allé jusqu’à en offrir à sa protégée. Comme d’habitude, il ne réfléchissait pas assez… en humain.

Nahema eu un mouvement de recul lorsqu’Eugène se leva et avança dans sa direction. Elle aurait voulu fuir, mais pour aller où? Soit les gens qui l’avaient enlevé la retrouveraient, ou le mercenaire remettrait la main sur elle. Le fait de ne pas comprendre pourquoi autant de gens s’intéressait subitement à elle n’aidait pas les choses.

- Vous… vous êtes… Sa voix s’éteignit dans sa gorge. Elle prit une grande inspiration, et lâcha rapidement, comme si sa souffrance pouvait sortir en même temps que ses mots : Vous êtes un monstre! Comment pouvez-vous manger de la chair ainsi? Je suis supposé vous suivre sans poser de question après ça? Je veux des explications! Qui êtes-vous? Pourquoi m’a ton enlever? Pourquoi m’avez vous secouru? Qu’est ce…

Elle fondit en larme pour la deuxième fois, incapable de continuer de parler. Eugène la dévisagea et l’entraina plus loin. La prenant par les épaules, il la força à le regarder dans les yeux.

- Écoutez bien…

Après une courte pose où il s’alluma une cigarette, il continua en soufflant d’épais nuage de fumée nauséabond :

- Vous voulez que je sois franc avec vous? Je ne suis pas un monstre, mais expliquer qui je suis réellement pourrais être long et compliqué… ET ce n’est certainement pas le moment. J’ignore pourquoi on vous a enlevé, j’ignore pourquoi on m’a payé pour vous aidez, mais cela ne change rien au fait que si vous voulez survivre, vous devrez me suivre sans chialer, pleurer, geindre, ni crier. Nous sommes probablement poursuivis par les hommes qui vous on kidnappé et je ne vous cacherez pas que je ne fais pas le poids devant autant d’hommes armée. Je suis extrêmement fatigué, j’ai faim, j’en ai marre, je ne pourrai plus me défendre bien longtemps en usant de ma magie…

Il s’arrêta un moment, inspirant un peu de nicotine avec délectation. Puis il soupira en continuant :

- Tout ce que je sais, tout ce qui compte, c’est que je suis là et que j’ai bien l’intention de nous faire sortir de ce troue à rat vivant. Il regarda le ciel. Foutu ville, on ne peut pas s’orienter avec les étoiles dans ce merdier de lumières, mais je crois que nous arrivons bientôt vers la 228 avenue. À partir de là, nous prendrons la direction du sud vers Bellevue. Là-bas, nous pourrons respirer un peu. Les hommes qui nous poursuivent ne pourront pas se permettre de grand coup dans un district aussi sécurisé. Nous devons nous cachez jusqu’à ce que mon contacte communique avec moi pour me dire ce que je dois faire maintenant que je vous ai trouvé.

Nahema sécha ses larmes avec la manche de son manteau. Elle eu un dernier soubresaut puis se calma.

- Et si l’homme qui vous paye veut me faire du mal?

Elle le suppliait presque du regard, impuissante aux évènements, elle ne savait plus vers qui se tourner. Elle prit la cigarette de la bouche à Eugène et la jeta sur le sol. Alors qu’il allait protester, elle lui coupa la parole.

- Allons-y… je vous suis.

La circulation était beaucoup plus dense sur l’avenue 228. Si seulement il pouvait voler, il pourrait sortir de Redmond rapidement, mais il n’en était pas question avec la jeune femme à ses cotés. Ils longèrent plusieurs établissements plus ou moins en bonne état. La brique était couverte de graffitis en tout genre, du gribouillage au chef d’œuvre. Après une heure de marche épuisante, voyant que Nahema avait aussi de la difficulté à continuer, il décida d’appeler Oxide. Choisissant l’entré d’une ruelle pour s’arrêter, il regarda son téléphone portable avec découragement. Il ne se souvenait jamais des boutons sur lesquels appuyer pour envoyer un appelle. Il demanda à Nahema de composer le numéro, prétextant qu’il devait vérifier son équipement pendant ce temps. Lorsqu’elle lui tendit le téléphone, il le prit à deux mains, comme si l’objet pouvait s’enfuir de ses mains et colla son oreille sur le combiné. Une petite voix féminine et visiblement de mauvaise humeur lui répondit en soupirant.

- Que me voulez-vous?

Eugène hésita à répondre, se demandant s’il serait plus judicieux de raccrocher et d’essayer de trouver une autre solution.

- Je umm… c’est Eugène, je suis employé par Dies Irae pour…

Elle lui coupa la parole.

- Oui je sais. Vous voulez les papiers?

- En fait, j’ai quelques problèmes… des hommes doivent être à ma poursuite et je…

Lui coupant la parole une seconde fois, elle soupira de nouveau.

- Oui bon, venez s’en au fait. Avez-vous la fille?

- Eeee… oui. Elle est juste à coté de moi. Je voulais savoir si vous sauriez comment me faire sortir de Redmond rapidement.

- Vous n’avez pas de voiture?? Répondit-elle, une note de surprise dans la voie.

- Non.

- Wow…

- Alors? Pouvez-vous m’aider?

- Oui et non.

- Ce qui veut dire!? Lança Eugène, découragé et commençant à perdre patience.

- Oui dans la mesure où je pourrais vous envoyer une voiture, non car ce n’est pas dans mes tâches.

- Si Dies Irae veux avoir la fille, il faudrait bien qu’elle sorte d’ici vivante, alors je suis persuadé qu’il voudra vous payez pour ce petit service.

Après un moment de silence qui paru une éternité pour Eugène, Oxide Viola se décida enfin :

- C’est VOTRE travail de la garder en vie. Mais je peux en effet aider les choses en vous envoyant un véhicule… Mais c’est vous qui devrez me payer. Qu’elle est votre position?

Eugène soupira de soulagement en lui indiquant où il se trouvait. Il n’avait pratiquement pas d’argent sur lui, alors il devrait faire une petite combine pour remercier convenablement la femme, mais l’important était de sortir de Redmond.

Assise sur un tas de boîtes de carton, Nahema balançait les jambes comme une fillette qui meurt d’ennui en attendant qu’on l’autorise à aller jouer dehors. Elle tournait distraitement une mèche de cheveux entre ses doigts fins et regardait négligemment le ciel. Eugène la toisa un instant. Il n’avait pas vraiment prit la peine de la regarder en détail pendant leur fuite dans les ruelles et trouvait fort agréable de poser ses yeux sur une femme aussi belle. Elle n’avait pas le charisme et le charme d’Augure et ne pouvait pas rivaliser avec Missa, une coureuse des ombres qu’il n’oublierait jamais, car sa beauté n’égalait que son caractère désagréable, mais Nahema avait un certain charme fort attirant. Elle avait de long cheveux gris qui ondulait délicatement jusqu’à ses reins et ses yeux bridés d’un gris plus pâle s’harmonisait joliment avec son épaisse crinière. Sa bouche en cœur, son petit nez, quoi qu’un peu long, et sa stature menue lui donnait un air innocent qui donnait envie de la serrer contre soi. Mais Eugène avait appris à se méfier des apparences trop engageantes.

Sentant le regard d’Eugène, elle se retourna et le dévisagea. Aussitôt, il tourna le regard vers la rue. Plusieurs personnes passaient devant eux, mais les badauds n’osaient les accoster, probablement car les vêtements d’Eugène était recouvert de sang. Il passa ses doigts sur la plaie qui barrait ses lèvres, sentant avec inquiétude la boursouflure de la cicatrice. Elle aurait du disparaître immédiatement, car sa nature de zoocanthrope le permettait de se régénérer. Le couteau était-il fait en argent, un de ses rares points faibles? Mais pourquoi un bandit aurait eu une telle arme sur lui? À moins que les hommes qui avaient enlevé Nahema aient été avertis qu’un changeur de forme irait la délivrer, s’était illogique qu’ils furent armés de couteau fait d’argent. Toutes ces questions commençaient à troubler Eugène, qui ne trouvait aucun sens ni aucune réponse satisfaisante. Il décida, comme d’habitude, de ne plus se soucier de ce genre de problème, qui ne l’aiderait pas, de toute façons, à se sortir de ce guêpier.

Il chercha un instant dans ses poches et en sortie son paquet de cigarette. Vérifiant que le vent n’enverrait pas la fumée sur Nahema, qui semblait visiblement détester l’odeur du tabac, il en alluma une et respira plusieurs bouffés avec joie.

Baissant doucement la fermeture éclair de son manteau, Nahema vérifia si elle avait toujours son pendentif dans une des poches intérieures. Se collier lui avait été donné par sa mère, qui lui avait fait promettre de ne jamais s’en séparer. Balayant les environs du regard, elle prit le lourd talisman dans ses mains et passa la chaine dorée qui le retenait autour de son cou. Le contact glacé du métal sur sa peau lui donna la chair de poule, mais la rassura. Refermant son manteau, Eugène du croire qu’elle avait froid car il vint s’asseoir à coté d’elle et entoura la jeune femme d’un bras ferme. Mal à l’aise, elle n’osa pas bouger, mais du s’avouer que la présence de l’homme chassa un peu le froid ambiant.